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Sur Internet, certains sites évoquent 3 morphotypes pour expliquer la difficulté biologique de certaines personnes à perdre du poids. Selon cette théorie, nos caractéristiques de naissance nous classeraient en 3 catégories. Les ossatures fines et grandes qui ne grossissent pas, les ossatures petites et grosses qui prennent de la graisse, et enfin les ossatures intermédiaires aux proportions parfaites qui prennent uniquement du muscle. Mais en creusant un peu, on constate rapidement que la théorie des morphotypes est une arnaque. Voici pourquoi…
Avez-vous déjà entendu parler des morphotypes ?
Personnellement je ne connaissais pas cette théorie avant la rédaction de cet article. C’est grâce à une suggestion de ma chérie que je m’y suis intéressé. 😀
En faisant des recherches sur le web, je me suis rendu compte que beaucoup de sites en parlaient. Cependant, la théorie des morphotypes n’est présente que sur les sites Internet de musculation. On y décrit ainsi les caractéristiques physiques qui sont supposées nous faire appartenir à l’une des 3 catégories, que l’on soit une femme ou un homme.
Très simple à comprendre, cette théorie peut paraître séduisante de prime abord car elle conforte les à-priori sur le physique. Mais lorsque l’on cherche ce qu’en dit la littérature scientifique, on découvre que les morphotypes sont une pure affabulation.
Les morphotypes tels qu’ils sont présentés
Les 3 morphotypes selon Sheldon
Les morphotypes sont une création du psychologue américain William Sheldon. Celui-ci utilise les morphotypes pour leur associer des personnalités différentes, qu’il appelle les « somatotypes ». Chaque morphologie biologique correspond selon lui à une personnalité particulière.
Sheldon décrit trois types de morphologies humaines, correspondant chacune à différents traits de caractères :
L’ectomorphe
Les ectomorphes seraient des personnes grandes et minces, qui ne développeraient pas de muscles et ne stockeraient pas la graisse. Ils posséderaient un squelette peu épais.
Ces personnes auraient tendance à être timides et introverties, préférant l’activité cérébrale aux activités sociales, en raison d’un système nerveux très développé.
L’endomorphe
À l’opposé, le morphotype endomorphe correspondrait aux personnes ayant un squelette épais et un grand système digestif.
Les endomorphes seraient prédisposés à prendre du poids. Ils auraient un corps mou et peu musclé.
Sheldon attribue aux endomorphes une personnalité joyeuse et sociable, aimant le confort et le luxe, plutôt peu travailleuses.
Le mésomorphe
Le morphotype mésomorphe est selon Sheldon le morphotype équilibré. Les personnes concernées ont un squelette ni trop fin, ni trop gros, un système circulatoire bien développé et une forte musculature.
Leur tempérament est courageux, dynamique, bien qu’un peu agressif, mais surtout autoritaire et travailleur.
Pourquoi les morphotypes sont une arnaque
À première vue, la théorie pourrait sembler séduisante. Elle explique les disparités physiques d’une personne à l’autre et donne une explication biologique pour comprendre pourquoi certaines personnes sont maigres et d’autres corpulentes.
Cependant cette théorie des morphotypes accrédite l’idée que nous sommes prédestinés à un type de morphologie et qu’il est donc difficile, voir impossible d’en sortir.
Pour comprendre pourquoi les morphotypes sont un mythe, il faut s’intéresser à leur concepteur : William Sheldon.
Le psychologue William Sheldon élabore une théorie fumeuse
Pour démarrer, William Sheldon était un psychologue. Il n’était pas biologiste, généticien ou statisticien. Pourtant sa théorie se réclame d’un peu tout cela à la fois, en ne se basant que sur des présupposés et nullement sur des études scientifiques.
Intéressé par les comportements humains, Sheldon pense que la silhouette d’une personne indique sa personnalité. Au début des années 1940, il élabore sa théorie des morphotypes et des somatotypes dans un essai intitulé « The Varieties of Human Physique (An Introduction to Constitutional Psychology) » . En français : « La variété des physiques humains (introduction à la psychologie constitutionnelle) ».
Pour lui, aucun doute, la classification en 3 morphotypes est évidente. Selon ses conclusions, le physique d’une personne détermine sa destinée sociale.
Poussant plus loin sa réflexion, il associe caractéristiques physiques et criminalité. Il publie en 1949 « Varieties of Delinquent Youth (An Introduction to Constitutional Psychiatry) ». En français : « Variétés des jeunes délinquants (introduction à la psychiatrie constitutionnelle) ».
Un gouvernement pourrait de cette manière déterminer le potentiel de dangerosité d’un individu en fonction de certaines caractéristiques physiques. Et déterminer cela dès la jeunesse. Mais après avoir identifié les menaces présumées, que vont-ils faire ?
On voit ici immédiatement la dangerosité d’une telle théorie !
Des morphotypes pleins de préjugés
Pour imaginer les morphotypes, William Sheldon s’appuie sur les théories développées par Hippocrate, médecin grec célèbre, mort en -400 avant Jésus Christ.
À cette époque lointaine, le médecin grec élabora une théorie sur les liquides corporels (le sang, la lymphe, la bile et l’atrabile). Au nombre de 4, ces liquides furent associés aux 4 éléments : la terre, le feu, l’eau et l’air, ainsi qu’aux 4 saisons.
Selon le spécialiste français de la médecine de la Grèce antique Jacques Jouanna, cette théorie semblait offrir aux gens de l’époque :
« un système d’une parfaite clarté pour rendre compte d’un monde intérieur entièrement obscur. »
Associée à la magie et à la philosophie, la théorie proposait des remèdes aux maladies en fonction des liquides concernés. On appliquait donc le feu, la terre, l’air ou l’eau suivant l’élément mis en cause. Les soins consistaient ensuite à la prise de remèdes à base de plantes, à l’utilisation du feu ou encore à la réalisation d’incisions (sous forme de saignées).
Hippocrate associait également 4 tempéraments à ces 4 liquides (lymphatique, bilieux, sanguin, nerveux).
Même si on retrouve encore l’utilisation de ces 4 tempéraments dans certains domaines comme l’astrologie, ils ont été abandonnés depuis longtemps par la médecine.
Si cette théorie était considérée comme révolutionnaire durant la Grèce antique, elle avait largement perdu de son intérêt scientifique à l’époque de Sheldon ! Étonnamment, c’est sur cette théorie qu’il choisit pourtant d’élaborer la sienne…
Les photos de nus qui firent scandale
Afin d’accréditer sa théorie des morphotypes, William Sheldon mis en place une banque de photographies d’étudiants américains nus. Appelée « Ivy League nude posture photos », cette collection d’images classifia physiquement tous les étudiants de 9 établissements scolaires (dont Princeton, Yale ou Harvard) de 1940 aux années 1970.
Obligatoirement photographiés dénudés à leur entrée à l’université, les étudiants ne furent pas informés que ces images étaient en réalité collectées et stockées. Les directeurs d’établissement évoquaient alors simplement un impératif sanitaire afin de détecter certaines maladies pour justifier ces photos.
L’étude des ces photographies permis à Sheldon de mesurer les différences physiques et d’établir des statistiques anatomiques sur la population aisée blanche américaine. Il en déduisit également un lien entre caractéristiques physiques et apparition de l’intelligence en fonction du parcours des étudiants.
Certains de ces étudiants devinrent plus tard des leaders de la culture américaine ou des membres du gouvernement. Hors, aucun d’entre eux n’avaient donné d’accord pour l’utilisation ou le stockage de photographie de leur intimité. Lorsque la science décrédibilisa la totalité de cette étude et rendit publique l’existence des photos, l’Amérique tout entière sentit le caractère explosif de l’affaire !
Les « Ivy League nude posture photos » devinrent un véritable scandale national et William Sheldon fut définitivement décrédibilisé, tant sur la forme que sur le fond.
Rien ne permet de créer une hiérarchie sociale en fonction du physique
Les morphotypes ont été créés pour établir une hiérarchie sociale entre les individus selon des critères physiques arbitraires. Créée en 1940 cette théorie est une étape vers l’eugénisme (c’est-à-dire une méthode pour améliorer le patrimoine génétique de l’espèce humaine).
En Europe à la même époque, les nazis utilisaient de semblables théories pour justifier leurs crimes…
La théorie des morphotypes ne correspond à rien. Elle n’est basée que sur des à-priori et sur les élucubrations d’un psychologue qui a été ensuite décrié par l’ensemble de la communauté scientifique.
Votre morphologie peut évoluer
Si vous êtes concerné(e) par le surpoids, personne ne peut en déduire que vous le serez toute votre vie. Ou encore, si vous êtes maigre, personne ne peut en déduire que vous êtes timide ou peu sociable !
En réalité, aucun des éléments avancés par la théorie des morphotypes n’est exact.
Votre poids, votre activité physique, votre alimentation vont évoluer toute votre vie et vont faire évoluer votre silhouette. Personne n’est condamné à garder la même silhouette toute sa vie. Pour une personne mal dans sa peau, l’idée d’être contraint biologiquement à ne pas évoluer est terrifiante. Alors sachez que cette idée est entièrement fausse.
Il est possible de changer. Une personne maigre qui ne grossit pas à l’adolescence grâce à une flore intestinale et un métabolisme en béton armé, alors qu’elle mange uniquement des fast-food et des nuggets, peut devenir malgré tout obèse à 50 ans. Comme une personne en surpoids peut devenir mince au cours de sa vie !
C’est votre qualité de vie qui va déterminer votre silhouette.
L’acteur américain Christian Bale par exemple a été capable de transformations physiques ahurissantes depuis les années 2000 en fonction des rôles qu’il souhaitait incarner.
Entre « The Machinist », pour lequel il a pesé moins de 55 kilos en mangeant une pomme et une boîte de thon par jour, et « Batman » où il apparaît quelques mois plus tard bodybuildé à souhait, il a pratiqué un terrifiant yoyo !
Comment expliquer les différences ?
Si les morphotypes n’existent pas, il est vrai que nous ne sommes pas tous semblables.
Appartenant tous à l’espèce Homo Sapiens, nous avons des différences de deux sortes qui peuvent faire varier notre silhouette :
- Différences culturelles :
Notre origine géographique peut être une influence (typiquement à travers l’alimentation), comme les Sumos du Japon qui ont un régime traditionnel créé pour la prise de poids. À première vue cela semble anecdotique, pourtant si l’on imagine les habitudes culturelles américaines et les habitudes soudanaise, on mesure à quel point elles sont différentes et peuvent impliquer une différence de silhouette.
Pour vous en persuader, vous pouvez d’ailleurs consulter les photos spectaculaires des consommations hebdomadaires à travers le monde, présentées dans la dernière partie de mon article sur les Grocery haul. Vous constaterez en quelques photos à quel point les habitudes alimentaires diffèrent d’un pays à l’autre. - Différences biologiques :
Notre code génétique (c’est-à-dire notre ADN) nous rend également différent les uns des autres. Ce code qui provient d’un mélange des codes génétiques de nos ancêtres influence notre taille, ou encore la couleur de notre peau ou de nos cheveux.
Les différences génétiques peuvent nous rendre gros ou maigres. Une soixantaine de gènes ayant une influence sur la silhouette ont ainsi été identifiées par les chercheurs.
Seulement, là où la théorie des morphotypes rend les choses quasi impossibles à changer, la génétique démontre que tout évolue en permanence ! Si vous avez des prédispositions au surpoids, en ajustant votre alimentation et en bougeant suffisamment, vous aurez la possibilité de modifier votre silhouette.
Par exemple, il a été démontré qu’une heure de marche quotidienne réduit l’influence des gènes de l’obésité de moitié, alors que 4 heures de télévision l’augmente de moitié…
Les gènes qui nous sont donnés à notre naissance évoluent en fonction de notre alimentation et de notre mode de vie. Il est donc possible de faire évoluer son code génétique. Rien n’est figé.
Ne pas confondre morphotype et métabolisme
Le métabolisme, qu’est-ce-que c’est ?
Le métabolisme est un terme qui désigne l’ensemble des réactions chimiques ayant lieu à l’intérieur du corps (la digestion par exemple fait partie du métabolisme).
Comme nous sommes soumis en permanence à des changements externes (la température, la lumière, l’humidité…) et internes (l’activité physique, ce que nous avons avalé…), notre corps doit créé une multitude de réactions chimiques pour équilibrer l’ensemble de l’organisme et lui permettre de rester en bonne santé. Ces mécanismes très complexes constituent ce que l’on appelle le métabolisme.
On aperçoit parfois certaines manifestation du métabolisme, comme la transpiration pour équilibrer la température. Cependant la plupart de ces réactions chimiques nous échappent, comme la sécrétion d’insuline en réponse à l’augmentation de sucre dans le sang, par exemple.
Comment utiliser le métabolisme en nutrition ?
En nutrition, le terme métabolisme est utilisé en général pour désigner la capacité du corps à brûler les calories.
Cette capacité varie en fonction de notre âge, de notre alimentation et de notre masse musculaire. Quelqu’un au métabolisme faible ou lent, aura tendance à prendre du poids car son corps « brûle » lentement les calories.
Au contraire, une personne au métabolisme élevé aura plus de facilité à perdre du poids.
Bien sûr, il est possible de changer la donne !
Par exemple, avez-vous déjà eu tendance à transpirer après avoir mangé un piment ?
Si c’est le cas, vous avez en réalité stimulé votre métabolisme grâce à la capsaïcine qui est contenue dans le piment. Celui-ci a augmenté vos dépenses d’énergies ce qui s’est manifesté par un coup de chaud et la sécrétion de transpiration pour refroidir le corps.
De nombreux autres aspects peuvent influencer votre métabolisme :
- Si vous êtes très musclé(e), votre corps aura besoin de plus d’énergie, votre métabolisme sera donc plus élevé.
- Si vous pratiquez un sport d’endurance, vous activez votre métabolisme durant la phase « active » de pratique du sport.
- Si vous effectuez un sport de force comme la musculation, vous stimulez votre métabolisme en phase de repos (le corps dépensant de l’énergie pour reconstruire les muscles). Pour la perte de poids, il peut donc être intéressant de cumuler des exercices de forces et des exercices d’endurance.
- Si vous mangez très peu, votre métabolisme sera plus faible, votre corps économisera l’énergie pour ne pas dépenser trop de calories. C’est l’une des raisons pour laquelle les régimes restrictifs ne sont pas efficaces dans le temps. En effet, votre corps s’habituera progressivement à un faible apport en calorie. Il est donc beaucoup plus efficace de manger régulièrement (mais mieux et moins) afin d’activer « la chaudière » et brûler correctement les graisses.
- …
Pourquoi les sites de musculation devraient parler de métabolisme plutôt que de morphotypes ?
Plutôt que de construire des murs psychologiques en utilisant la théorie fausse des morphotypes qui fait croire à une impossibilité de changement et à une malchance de naissance, les sites de musculation devraient parler de métabolisme. Cela serait scientifiquement exact et cela encouragerait les lecteurs à retrouver espoir. Le changement de silhouette est possible et tout le monde peut en bénéficier.
Si vous avez tendance à prendre du poids facilement, vous avez surement un métabolisme un peu faible. Vous pouvez l’activer, par exemple en cuisinant des aliments brûleurs de graisse et en adaptant votre activité physique.
Si vous êtes mince et souhaitez prendre de la masse, vous pouvez adaptez votre nutrition pour accompagner vos exercices de prise de muscle.
Ainsi personne n’est condamné, tout le monde peut changer ! 😀
Merci Julian pour ton article qui s’avère être très « à propos ». Tu fais vraiment une bonne synthèse du sujet en démystifiant toute cette affaire qui reste, malheureusement, encore considérée comme acceptable sur le plan scientifique alors qu’il ne s’agit que d’une croyance sans fondement.
Bien cordialement,
Eric Mallet
http://www.espacecorps-espritforme.fr/
Merci Éric ! Ton article sur le sujet est excellent aussi ! 😀
En tout cas je trouve cela très rassurant de savoir que la génétique n’a finalement pas autant d’importance que ce que l’on pensait jusqu’alors… Nos modes de vies influencent l’évolution de notre corps beaucoup plus et c’est plutôt une bonne nouvelle pour éviter le déterminisme !